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Tchad : prévenir les risques d’instabilité après la transition

La présidentielle du 6 mai prochain mettra fin à une transition marquée par des profondes tensions politiques et sociales. Cette élection présente certaines des caractéristiques des précédentes présidentielles de 2011, 2016 et 2021, quand l’ancien président, Idriss Déby Itno (1990-2021), père du président actuel, l’emportait toujours et sans surprise, face à une opposition politique muselée et urbaine, peu représentée dans le monde rural où résident 76 pour cent des Tchadiens. Mahamat Déby Itno, le président sortant, est le grand favori de ce scrutin. Il n’a face à lui aucun adversaire de poids, hormis Succès Masra, président du parti Les Transformateurs. Ce dernier a néanmoins perdu beaucoup de sa popularité en acceptant le poste de Premier ministre en janvier 2024, une partie importante de ses électeurs considérant qu’il est devenu un faire-valoir, allié du pouvoir. Cependant, Masra continue de mobiliser d’importantes foules lors de sa campagne en critiquant ouvertement Déby et en assurant que sa victoire est possible. La plateforme de la société civile Wakit Tamma a, elle, appelé le 23 mars dernier à boycotter la présidentielle, la qualifiant de « mascarade » destinée à perpétuer une « dictature dynastique ». Bien qu’une vague de protestations après les élections ne peut pas être exclue, le risque d’une nouvelle répression policière pourrait dissuader les opposants de descendre dans la rue. 

Au-delà de l’échéance démocratique, cette élection sanctionne surtout la fin de la période de transition initiée en avril 2021, juste après la mort d’Idriss Déby Itno. Craignant un vide du pouvoir, un groupe de généraux avait mis à la tête d’un Conseil militaire de transition un de ses fils, Mahamat, 37 ans à l’époque. Initialement prévue pour durer dix-huit mois, la transition s’est finalement étendue sur plus de trois ans. Dérogeant à son habitude, l’Union africaine (UA) n’avait pas sanctionné le changement non constitutionnel du pouvoir à N’Djamena, arguant de la contribution tchadienne significative à la lutte contre le terrorisme. Mais l’UA avait demandé en contrepartie l’inéligibilité des dirigeants de la transition aux élections qui auraient suivi.  

Les pressions sur l’opposition se sont accrues ces derniers mois, atteignant leur pic avec la mort brutale ... de l’opposant Yaya Dillo.

Malgré cette demande, le président de la transition a annoncé qu’il se présenterait, alors que les pressions sur l’opposition se sont accrues ces derniers mois, atteignant leur pic avec la mort brutale, le 28 février, de l’opposant Yaya Dillo, leader du Parti socialiste sans frontières et cousin de Mahamat Déby. Le gouvernement a affirmé qu’il avait été tué alors qu’il résistait à une arrestation judiciaire, mais certains membres de l’opposition ont accusé le régime de l’avoir assassiné d’une balle dans la tête. Lors de la même opération militaire, l’oncle du président, Saleh Déby, a aussi été arrêté. La mort de Dillo est un exemple flagrant des dissensions montantes à l’intérieur du clan Zaghawa, dont la famille Déby fait partie. Ce clan représente un peu plus de 5 pour cent de la population tchadienne mais contrôle le pays depuis 30 ans en s’appuyant sur d’autres élites du nord, appartenant aux groupes Goranes et Arabes.

Plusieurs problèmes, survenus lors de la préparation des élections, laissent planer des doutes sur la crédibilité du scrutin. Le nouveau code électoral, adopté lors d’une séance parlementaire de seulement deux heures le 22 février, supprime l’obligation pour l’Autorité nationale de gestion des élections (ANGE) d’afficher les procès-verbaux des élections à l’extérieur des bureaux de vote et permet de ne publier les résultats qu’au niveau régional, ce qui empêchera les observateurs de consolider les résultats par bureau de vote pour vérifier la crédibilité des chiffres annoncés. Aussi, l’Autorité de gestion des élections est majoritairement composée de membres ou de proches du parti au pouvoir, le Mouvement Patriotique du Salut (MPS). Le Conseil constitutionnel, qui valide les candidatures et les résultats, présente, quant à lui, de faibles garanties d’indépendance, car Mahamat Déby a nommé un ancien cadre du MPS, Jean Bernard Padaré, à sa présidence. 

Le Conseil constitutionnel a également retoqué dix candidatures, dont celles de deux opposants importants :  Ahmat Hassaballah Soubiane, homme politique et diplomate d’origine arabe, et Nassour Koursami, membre de la communauté Zaghawa et leader du Groupe de concertation des acteurs politiques, une plateforme d’opposition créée en 2021. Suite à cette décision, l’opposition a fait remarquer que les candidats rejetés sont tous des ressortissants du nord et du centre du pays. Ces deux régions rurales sont les bastions électoraux de Mahamat Déby, signifiant ainsi, selon l’opposition, une volonté de la part du pouvoir en place à chercher à éliminer toute forme de concurrence électorale. 

Durant les premiers mois de la transition, une grande partie des Tchadiens avait nourri l’espoir d’une possible alternance du pouvoir, après trois décennies de régime autoritaire dominé par la famille Déby. Mahamat Déby avait donné quelques signes d’ouverture démocratique, en entamant des négociations avec l’opposition et la société civile, et en permettant à plusieurs opposants de longue date, tels que les activistes Abel Maïna, Makaïla Nguebla, Tahirou Hissein Dagga et Habib Ben, de rentrer au pays après des années d’exil. Le Président avait aussi promis un dialogue national pour aborder la question de la réforme des institutions, d’une nouvelle constitution et de l’organisation de l’élection présidentielle. 

Mahamat Déby avait également tendu la main aux nombreux mouvements politico-militaires revendiquant leur rôle dans le futur du pays. Il a accepté de tenir en mars 2022 des pourparlers à Doha, sous les bons offices des autorités du Qatar, où les représentants de 52 mouvements se sont réunis pour négocier leur participation au dialogue national. Cet accord a permis le retour de chefs rebelles en exil tels que Timan Erdimi, cousin de feu Idriss Déby, à la tête de l’Union des forces de la résistance. Les seuls deux groupes armés avec une vraie force de frappe ont néanmoins refusé cet accord, arguant que le gouvernement n’avait pas pris en considération leurs demandes pour le désarmement et le retour de combattants de l’étranger. Il s’agit du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad, basé en Libye, dont l’offensive sur N’Djamena en avril 2021 avait coûté la vie au père de l’actuel président, et du Conseil du commandement militaire pour le salut de la République, basé dans la région du Tibesti, également à la frontière libyenne.

Débuté en août 2022, ce dialogue national a tourné court et marqué un tournant dans la transition, douchant les espoirs démocratiques des premiers mois. En l’absence d’une garantie que Mahamat Déby ne se présenterait pas à la présidentielle, une de leur principale exigence, les principaux chefs de file de l’opposition civile et politico-militaire ont refusé d’y prendre part. Le dialogue s’est donc déroulé sans les forces les plus favorables à un changement de régime, telles que Les Transformateurs de Succès Masra et la plateforme de la société civile Wakit Tama, toutes deux dotées d’une forte capacité de mobilisation urbaine. Les conclusions de ce dialogue ont permis de prolonger de deux années la transition. Elles ont surtout levé un tabou en permettant à ses dirigeants, dont Mahamat Déby, de devenir éligible aux élections. Malgré la violation des conditions imposées au début de la transition, l’UA n’a pas réussi à trouver un consensus parmi ses membres pour sanctionner le Tchad. 

En réaction à ce qu’elle a alors perçu comme une trahison, l’opposition a opté pour le rapport de force et appelé à une mobilisation contre le régime. Le 20 octobre 2022, le jour qui devait marquer la fin des dix-huit mois de transition initialement prévue, des milliers de personnes sont descendues dans la rue à N’Djamena ainsi que dans plusieurs villes de province (Moundou, Doba, Koumra, Sahr, etc.), en prenant d’assaut des bâtiments publics. La répression brutale des forces de sécurité a causé 128 morts, 518 blessés et plus de 900 arrestations, selon le rapport d’enquête de la Commission tchadienne des droits de l’homme (CNDH), instaurant un climat de peur et poussant la majorité des opposants au silence, à l’exil ou à se rallier au pouvoir. 

La Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale a lancé une médiation conduite par le Président de la République Démocratique du Congo.

Face à cette crise, la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale a lancé une médiation conduite par le Président de la République Démocratique du Congo, Félix Tshisekedi. Mais celle-ci n’a pas permis de créer les conditions d’une véritable réconciliation nationale. L’accord signé à Kinshasa en octobre 2023 entre le gouvernement tchadien et l’opposition politique n’a impliqué qu’un seul parti, Les Transformateurs, et a principalement consisté à organiser les conditions du retour de son président Succès Masra, après une année d’exil. Ce geste a eu une grande portée symbolique, considérant la polarisation du discours politique dans le pays après les évènements du 20 octobre 2022. Néanmoins, quelques jours après le retour de Succès Masra à N’Djamena, le parlement a adopté une amnistie générale portant sur ces évènements. Cette loi a annulé les charges contre les opposants arrêtés mais a aussi enterré définitivement les demandes de justice des Tchadiens afin de faire lumière sur la responsabilité des dirigeants politiques et militaires dans la répression. Deux mois après cette amnistie, Mahamat Déby a nommé Succès Masra en tant que Premier ministre, provoquant une nouvelle déception chez les soutiens de ce dernier. 

Le mois précédent, un référendum constitutionnel avait entériné le régime centralisé et hyper-présidentiel existant dans le pays, à rebours de ce que réclamait l’opposition.  La commission en charge de rédiger la nouvelle constitution, composée en grand partie de personnes affiliées au régime, n’a finalement pas offert aux Tchadiens le choix entre un état décentralisé et un état fédéral, comme prévu par le dialogue national. Malgré les images des bureaux de vote largement vides le 17 décembre 2023, le gouvernement a déclaré la nouvelle constitution approuvée par 86 pour cent des Tchadiens, avec un taux de participation de 62 pour cent. Selon des observateurs nationaux et internationaux, ces chiffres sont cependant jugés peu crédibles au regard de la participation très faible dans les bureaux de vote visités.

Enfin, Mahamat Déby a annoncé fin février 2024 que l’élection présidentielle, initialement prévues pour octobre, aurait lieu plus tôt dans l’année, présentant cette mesure comme un gage de sa bonne foi visant à achever la transition dans les délais et plus rapidement que d’autres pays de la région. Des opposants ont alors dénoncé une manœuvre visant à accélérer la consolidation du pouvoir de Mahamat Déby, qui manque de légitimité en tant que président sur la scène nationale et à l’international. Le découplage des législatives, qui n’ont pas eu lieu depuis 2011, d’abord prévues en même temps que les présidentielles avant d’être reportées, constitue une autre source de frustration pour les électeurs qui n’ont toujours pas la possibilité d’élire leurs représentants. 

Mahamat Déby a privilégié la question sécuritaire, en s’assurant d’empêcher que les pays voisins puissent servir de base arrière pour des mouvements armés tchadiens. Il a renforcé les liens avec le président Faustin-Archange Touadéra en République centrafricaine ainsi qu’avec le maréchal Khalifa Haftar en Libye. Ces rapprochements ont permis au Tchad de mener des opérations militaires contre des rebelles tchadiens sur des territoires centrafricains et libyens. Mahamat Déby s’est ensuite positionné sur l’échiquier géopolitique régional en préservant sa relation étroite avec la France, mais aussi en ouvrant la porte à de nouveaux partenariats sécuritaires et économiques avec les Émirats arabes unis, la Hongrie et plus récemment avec la Russie, bien que les contours de ce dernier accord restent encore flous.

La récente vague de coups d’état au Sahel et l’éclatement de la guerre au Soudan en avril 2023 ont fait du Tchad le dernier pôle de stabilité dans la grande région sahélienne.

La récente vague de coups d’état au Sahel et l’éclatement de la guerre au Soudan en avril 2023 ont fait du Tchad le dernier pôle de stabilité dans la grande région sahélienne, ainsi que l’un des seuls alliés fiables des puissances occidentales. Le Tchad se félicite aussi d’être le premier pays dans la région à organiser des élections parmi ceux qui traversent une transition politique, tels que le Mali, la Guinée, le Burkina Faso, le Niger et le Gabon. Le pays joue de cette position avec succès pour faire taire d’éventuelles critiques de la communauté internationale contre le durcissement continu de la transition depuis 2022. 

Ce positionnement dans le camp occidental n’empêche pas Mahamat Déby de jouer l’ambiguïté. Il y a environs 3 000 soldats français au Tchad, et conscient de l’impopularité de la France et de l’occident, notamment auprès de la jeunesse tchadienne, le président Déby relativise le soutien militaire français à son régime et laisse planer le doute sur un éventuel divorce avec la France et les États-Unis. Le 4 avril dernier, le chef d’état-major de l’armée de l’air tchadienne, Amie Ahmed Idriss, a demandé aux Etats-Unis de cesser leurs activités sur la base aérienne de Adji Kosseï, proche de N’Djamena, où une centaine de militaires américains étaient déployés dans le cadre de la lutte contre le jihadisme au Sahel aux côtés de l’armée française, en affirmant qu’ils n’avaient pas fourni les documents nécessaires pour justifier leur présence. Cette demande advient quelques semaines seulement après celle de la junte militaire au Niger, où les États-Unis avaient autour de mille soldats. Après le retrait de ce contingent, Washington attend le déroulement des élections pour réévaluer son partenariat avec le Tchad. 

Même si les mesures prises par Mahamat Déby pour renforcer son pouvoir ont permis au Tchad de jouir d’une relative stabilité, elles ne l’ont pas mis à l’abri d’autres menaces, à la fois internes et externes, étroitement liées, dont l’évolution peut difficilement être anticipée. 

A l’intérieur du pays, les équilibres parmi l’élite au pouvoir n’ont jamais été si fragiles et ce pour plusieurs raisons.  Le verrouillage de l’armée opéré par Mahamat Déby durant la transition a poussé à la retraite de plus d’une centaine de généraux proches de son père et à la création d’une nouvelle garde prétorienne, appelée la Force d’intervention rapide (FIR).  Ces mouvements au sein de l’armée ont aussi contribué à faire monter les tensions au sein du pouvoir tchadien, en particulier à cause de la place que les membres de groupes non-Zaghawa, en particulier Goranes (dont est issue la mère de Mahamat) et Arabes loyales à Déby, ont acquis au sein des forces de sécurité. Même si pour l’instant Mahamat Déby a utilisé le système de patronage existant pour calmer les esprits, ces décisions pourraient exacerber les frictions au sein du clan Zaghawa, dont la cohésion a été mise à l’épreuve depuis la mort de Yaya Dillo, et en définitive, déclencher une lutte interne au sein de l’élite au pouvoir pour diriger le pays.

En parallèle, le positionnement du Tchad dans le conflit soudanais est un facteur important de tensions au sein du régime au pouvoir à N’Djamena. Après avoir dans un premier temps adopté une position de neutralité, Mahamat Déby a, par la suite, autorisé les Emirats arabes unis à approvisionner en armes et en équipement les Forces de soutien rapide (RSF) du général Mohamed « Hemedti » Hamdan Dagalo depuis le territoire tchadien. Au même moment, le Tchad a obtenu un prêt émirati de 1,5 milliard de dollars, soit plus de 80 pour cent du budget de l’Etat ainsi que du matériel militaire. Ce choix a déclenché de vives tensions internes dans les clans Zaghawa. Avec des forts liens familiaux à la fois au Tchad et au Soudan, ce groupe ethnique est fortement divisé. Pendant que certains à N’Djamena approuvent le soutien aux RSF, la branche soudanaise, installée au Darfour du Nord, a choisi le camp de son ennemi, l’armée régulière soudanaise du général Abdul Fattah al-Burhan. Si les affrontements entre les RSF et les milices Zaghawa au Darfour s’aggravent, ces dernières pourraient vouloir prendre leur revanche en préparant un changement de pouvoir à N’Djamena, comme cela s’est déjà produit dans le passé. L’augmentation des accrochages et des rumeurs d’attaques au nord Darfour, notamment autour de la ville d’El-Fasher qui accueille une grande partie de la communauté Zaghawa du Darfour, alimente fortement ce risque. 

De plus, les tensions sociales et communautaires demeurent très fortes au Tchad. D’une part, le gouvernement de transition n’a pas apporté de solution satisfaisante à la crise socio-économique qui touche les Tchadiens depuis des années. Les mesures récentes du gouvernement, comme l’accord avec les enseignants, la baisse des taxes sur le transport et la prise en charge d’une partie des charges des ménages, n’ont pas calmé la grogne sociale. Au contraire, les arriérés de salaires de la fonction publique, l’augmentation du prix du carburant et les coupures d’eau et d’électricité ont provoqué des grèves à répétition. D’autre part, les crispations intercommunautaires augmentent dans l’ensemble du Tchad. Le sud et le centre du pays continuent d’être affectés par des conflits agropastoraux exacerbés par des clivages identitaires de longue date qui ont fait réémerger des griefs sécessionnistes. Les provinces de l’est, elles, sont exposées à une pression inédite dû à l’arrivée de plus de 600,000 réfugiés soudanais, malgré les efforts des autorités tchadiennes depuis le début de la crise pour permettre aux organisations humanitaires nationales et internationales d’acheminer l’aide humanitaire. La pression pour l’accès aux ressources, en particulier foncières, et l’inflation croissante risque de faire augmenter les tensions dans une des régions les plus pauvres du pays où en mars 2024 les conflits intercommunautaires ont fait des dizaines de morts en quelques jours. 

Dans la région, la guerre d’influence qui se joue entre grandes puissances mondiales est à la fois un atout et un risque pour le Tchad.

Dans la région, la guerre d’influence qui se joue entre grandes puissances mondiales est à la fois un atout et un risque pour le Tchad. Le président Mahamat Déby s’est servi de son voyage à Moscou en janvier 2024 non seulement pour adresser un signal fort à Paris, qui a immédiatement réaffirmé son engagement sécuritaire avec N’Djamena, mais aussi pour des calculs politiques internes. Conscient de la montée du sentiment anti-français dans son pays, il a qualifié sa rencontre avec le président Vladimir Poutine d’« acte historique de souveraineté et d’indépendance ». Une partie de la société civile tchadienne a salué ces mots, mais elle lui a aussi demandé d’aller plus loin et de rejoindre l’Alliance des États du Sahel, le pacte signé en septembre 2023 par les juntes militaires pro-russes du Burkina Faso, du Mali et du Niger, avec lesquelles Mahamat Déby garde des bonnes relations. Alors que pour l’instant la diversification des partenariats sécuritaires a contribué à consolider le régime via la réception de financements et de matériel militaire, les pressions pourraient ouvrir des nouveaux fronts d’instabilité interne. Des divisions pourraient apparaitre au sein du régime entre pro-russes et pro-occidentaux, alors que l’opposition politico-militaire pourrait chercher un soutien au sein d’un des deux blocs. Les autorités tchadiennes, elles, risquent aussi d’être dépassées par leur ambiguïté envers le sentiment anti-français dans le pays.   

Passé l’élection du 6 mai, le futur du Tchad, dépendra des mesures prises à l’égard de ces menaces. A l’intérieur du pays, les tensions sociales et politiques se nourrissent d’un déficit de gouvernance qui caractérise le pays depuis des décennies. Ces tensions expriment par ailleurs une demande pressante, notamment de la part des jeunes, pour un Etat plus inclusif et équitable. L’organisation des scrutins législatifs, dont la date reste à fixer, sera la première épreuve importante pour le président élu le 6 mai prochain. La crédibilité de ces élections dépendra de leur organisation dans un délai raisonnable et selon des principes de transparence, notamment avec un audit du fichier électoral. Si elles sont mises en place, ces mesures pourraient être le premier jalon vers le rétablissement des règles du jeu démocratique dans le pays et poser les bases d’une véritable réconciliation nationale. Dans le moyen terme, ces efforts permettront aussi au nouveau président de rétablir la confiance sociale et rompre le cycle de violence lié aux conflits intercommunautaires qui se multiplient partout dans le pays, en impliquant davantage les communautés locales dans la résolution des disputes et en renforçant les capacités de l’appareil sécuritaire et judiciaire. 

Face à un contexte régional en constante évolution et peu prévisible, N’Djamena devra, à court terme, adopter une position de prudence vis-à-vis de son positionnement dans le conflit soudanais et de ses relations avec les pays sahéliens. Si le nouveau président décide de continuer à diversifier ses partenaires sécuritaires, il devra jouer cartes sur table et assurer la coordination entre les différents acteurs déployés sur le terrain, tels que le personnel militaire français, hongrois et, éventuellement, russe si cela fait partie de l’accord suite à la visite à Moscou entre les deux pays, en particulier dans les domaines de la formation et de l’accompagnement de l’armée. Cela permettra d’éviter la montée de la désinformation et des discours incendiaires dans le pays, ou, encore pire, une confrontation directe entre ses alliés.  

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